Journal de jeûne 2016

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Je m’offre la semaine de vacances ultime. Hors de ma vie de tous les jours et hors de mon corps. Plus exactement incroyablement reliée à ce corps qui me transporte tous les jours, en le privant de nourriture. Paradoxalement, c’est une manoeuvre qui nous redonne, à lui et moi, un souffle extraordinaire. En voici le récit.

J-1

Journal de Jeune, Buchinger

C’est parti pour du rien. Rien de solide, mais beaucoup de liquides. Tombés du ciel, aussi. La facilité avec laquelle nous arrêtons de manger, ici, est déconcertante. A la maison, se priver est impossible. Mais là, rien. Ni faim, ni doute.
Un besoin vital aux ramifications émotionnelles peut donc être volontairement aboli. Pour un temps, bien sûr, mais quand même. Ne sommes-nous pas portés par nos désirs ? N’est-ce pas le manque qui nous pousse à nous nourrir ?


Je me demande ce soir si on peut faire la même chose avec l’amour. Décider de s’en priver. Et continuer sa vie gaiement, fier de ce nouvel état. N
e mélangeons pas tout. Mais je crois que j’aime aussi le déséquilibre des appétits, en général, et en particulier, si vous voyez ce que je veux dire. Désirer rend très vivant. Ça a quelque chose d’un peu inquiétant de ne même pas penser vouloir manger.

En tous les cas, comme il se doit, ce soir j’ai mal à la tête et je sais que je ne dormirai que peu. On tombe comme une masse, puis on se réveille 42 fois dans la nuit dont 28 pour faire pipi. Demain me semble bien lointain, mais comme à jeun, on ressent tout très bien, j’attends de voir ce que m’apportera cette nuit.
Dormez-bien.

J-2

Journal de Jeune, Buchinger J2Journée bien plus extérieure que la veille. Le dimanche de Pentecôte, à Überlingen, la cathédrale est à la fête : grand orgue & orchestre, cantatrices et processions. Je me suis donc extraite de mon cocon pour aller voir ça. Une église pleine à craquer !

Première randonnée aussi, dans une nature grandiose : nuages, cigognes, sacs de pommes au milieu d’un chemin que l’on peut emporter en échange de 2€, zeppelin dans le ciel. Je me sens déjà énergisée. C’est la première fois que ça se produit si vite.

Car à ceux d’entre vous qui n’auraient jamais envisagé un jeune, je voulais juste préciser qu’au-delà de la nouveauté digestive et de l’idée que l’on se fait de son impossibilité, c’est le seul moyen sans artifice qu’il m’ait été donné d’essayer et qui permette de ne plus avoir de soucis. Si si, vous avez bien lu. Plus = zéro. Pas tout à fait encore, mais je m’y dirige. Une préoccupation devient une situation, un blocage une suggestion de s’y prendre autrement et une inquiétude… quelle inquiétude ?

Une anglaise volubile expliquait qu’elle se sentait redevenue enfant. Quand sa vie coulait de source. Elle ne savait pas qu’il était possible de ressentir cela. Et c’est bien pour ça que je reviens ici.

Bon, là tout de suite, j’ai envie d’un chewing-gum. Ça doit être pour le goût. La tisane commence à lasser mes papilles.

J-3

Journal de Jeune, Buchinger J3Attention, côtes en vue. Il ne s’agit pas des côtes bretonnes, mais bien des miennes qui essaient de retrouver leur chemin vers la surface. Comme je ne les vois pas souvent, c’est toujours un peu émouvant. Pas de panique, bientôt, elles reprendront leur existence souterraine. Mais les transformations du corps commencent.

Le teint s’éclaircit. Il est certain que quand on n’y introduit plus de substances étrangères, l’organisme est comme la planète, si un jour on finissait par la laisser tranquille. Il retrouve sa fraîcheur.

Au programme, balade sous la pluie, visite chez l’osthéo qui m’a proposé une torture thérapeutique et s’y est tenu. M’a fait chanter aux pires moment pour que ça fasse moins mal. Et ça a marché.

Mais surtout, je m’étais gardé sous le coude le dernier épisode de la saison 2 du Bureau Des Légendes sur myCANAL (offert pendant un mois). Cette série est de la bombe. C’est malin, formidablement écrit et captivant. Faites vous ce plaisir. Un voyage palpitant au coeur du renseignement français.

Bref, je pense que l’euphorie commence à me gagner. Tout me plait, y compris et surtout l’ennui. J’ai donné deux conférences, ce soir, une en anglais puis une en français. Même pas mal. Pas sommeil, mais plus légère dedans et dehors.

Dormez bien !

 

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13256008_1197154273650914_9219833810154744707_nDémarrage de la randonnée à 6h00 ce matin, donc, je me suis réveillée à 6h00. Zut.

Avoir le droit de faire ce que l’on veut, écouter son corps et ses besoins et se sentir à l’aise avec ses choix fait partie des grandes satisfactions de ce chemin.

Alerte au ventre plat, aussi. Il se pourrait bien que ça soit pour demain ou après-demain. C’est sur qu’au bout de 5 jours de liquide, en tous les cas il sera vraiment vide. Le pantalon est descendu d’un demi cran. C’est bon, comme sensation.

Massage à la brosse, comme les chevaux. Direct sur la peau. Et oui ça ne dure pas longtemps mais c’est radical. Les toxines doivent s’expulser du corps par tout les moyens. La peau est notre plus grand organe, alors on l’aide à s’en débarrasser.

Nouvelle manifestation inconnue, lorsque je ferme les yeux, se dessinent des mirages. J’y ai vu Cyrano de Bergerac avec un chapeau à plume. Je l’ai reconnu à son nez. Il était 14h. Que faisait-il là, sous ma paupière en Allemagne du Sud ? Ça arrive, me rassure-t-on.

Super atelier de Super Pouvoirs, en 3 langues c’est aussi sympa comme ça. Ça augmente mon lexique des qualités.

Je n’ai toujours pas sommeil, mais là je ne me donne plus le choix. Le soleil sort enfin demain. La randonnée est encore à 6h00 et j’ai vraiment envie de le voir. Alors au lit !

Dormez bien, et à demain.

J-5

Mon lac au petit matin.Journée kaput. 5h30, réveil nickel. Je m’équipe pour parer au froid matinal et je monte vers le point de rendez-vous de la randonnée. Mes jambes parviennent à peine à gravir les marches. Bon. Nous partons et dans les montées, mes membres pèsent 1 tonne et ne répondent pas aux commandes.
Je parviens à destination, appuyée sur une branche providentielle. Sur le plat et en descente, no problemo. Etrange.

Nous rentrons. Je glisse un NE PAS DERANGER sur ma porte et je me recouche. Délires en pagaille, en plus du corps, l’inconscient règle ses comptes avec tout ce que je lui ai infligé de stress et préoccupations ces derniers temps. J’ouvre un oeil à 12h30 et la première conversation que j’ai me fait pleurer.

C’est aujourd’hui, donc, que je paie l’addition. Celle des accumulations en tout genre : alimentaires, professionnelles, relationnelles. J’avais même pris 200 g ce matin à coup de ne rien manger.

J’ai supplié pour qu’on me donne un vrai thé. J’avais un atelier à animer. Je ne me voyais pas y ramper. Et une fois de plus, la gratitude, au programme du jour, ne m’a pas laissée tomber. L’énergie des autres, le plaisir de la découverte et la concentration nécessaire pour tout exprimer en deux langues simultanément m’ont réalignée. Ce soir, pas sommeil du tout du tout.

Je suis décalée. Mon organisme se désintoxique des résidus que lui laissent mes choix de vie sur son passage. Ça ne pouvait pas se faire sans casse. J’accepte et je dis merci. Ça sera toujours ça de pris sur l’ennemi.

A tous ceux qui vont dormir, je souhaite une bonne nuit et à demain.

Photo : Mon lac au petit matin. Ca valait le coup d’endurer les montées.

J-6

Arc en ciel, en cette journée de jeûneUne image qui résume parfaitement la journée et ses contrastes en tous genres :

– soleil & pluie
– épuisement & pêche
– dedans & dehors
– paresse & énergie.

Mais le fait saillant de la journée est celui-ci. Quand on arrive pour jeûner, on nous explique bien que c’est un moment que l’on prend pour soi. Ne pas s’encombrer de tâches et se dégager de ses responsabilités. Aujourd’hui j’ai bien compris pourquoi.

Dans 9 jours nous remontons sur scène devant 560 personnes pour représenter
La Fabrique à kifs au Théâtre de l’Atelier. Presque tous les billets sont partis. Il faut donc nous remettre à l’œuvre. Répétition programmée par Skype puisque mes comparses sont à Paris. On effectue ainsi un « italienne », on répète juste le texte, sans mouvement. Bien installées, de part et d’autre, nous voilà parties. Et bien devinez quoi ?

Un jeûne vide intégralement le système digestif et c’est ça qui est doux, mais pas seulement. Il a entièrement vidé ma mémoire théâtrale, avec. Je ne me souvenais de RIEN. Si, au début, je dis « Bonsoir ! » après, le trou. Mais comme je suis shootée la sérotonine, formidable effet secondaire d’une diète les jours où ça va bien, je ne peux même pas m’inquiéter. Alors qu’il y a franchement de quoi.

Hors d’ici, dans la même situation, je me serai jetée sur un morceau de chocolat pour faire passer l’angoisse, ou nous serions allées boire un coup toutes les 3 pour nous remettre. Mais là, nada compensation, réconfort ou substitut qui passera par la bouche. Je suis allée marcher au bord du lac, le soleil venait enfin d’arriver et je n’étais même pas stressée. Mais en effet, il ne fait pas si bon de se confronter à la réalité quand on est là pour être tranquilles. Et puis cet arc-en-ciel m’est apparu.

Cet épisode m’a recentrée au lieu de m’affoler. Mon énergie perdue est ce soir revenue, espérant qu’elle me laissera dormir. Parce que demain, c’est une grande journée…..

Dormez donc bien, merci pour vos encouragements, et à demain.

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Dernier jour de mon journal de Jeûne

Et voilà, comment on rejoint le royaume des mangeants. En se glissant une noix de cajou entre les dents. Il y a ensuite la compote de pomme, et deux heures plus tard, cette pomme-ci. A l’heure où j’écris, elle a entrepris son long chemin de digestion.
C’est fini, cet instant d’exception et d’allègement est terminé. Saviez-vous que la tête se vide avec le corps ? Les préoccupations en tête de cortège et ma mémoire en queue. Ca ne veut pas dire que c’est universel, chacun réagit à sa façon, mais prendre le large consiste bien à aller loin.
Et jeûner est un très long courrier. Je bénis chaque minute de fatigue, d’ennui, de randonnées dans des forêts qui nous forcent l’humilité, de relations qui se nouent autour de questions intestinales, du soleil qui est ressorti, du pantalon qui flotte, de mes moments de méditation, de la sensation d’un jus sucré comme seul aliment, d’avoir bu tant d’eau, que l’on se soit occupé de moi, que mes participants soient venus de si loin avec autant de joie, d’avoir si mal dormi et tant rêvé.
Je célèbre ce soir mon corps désintoxiqué et ragaillardi et annonce à ceux que je vais retrouver dans mon chaos annoncé, que je suis bien contente de rentrer.
Merci à vous tous qui m’avez lue, encouragée et bordée, je vous sentais à mes côtés. Et je vous souhaite vraiment à votre tour, un jour, d’essayer.

Devenez animateur.trice d’ateliers de psychologie positive
Devenez animateur.trice d’ateliers de psychologie positive

4 commentaires sur “Journal de jeûne 2016”

  • Plassat dit :

    vous oubliez de dire que le site est certes très beau mais le prix de la cure de jeune aussi : d’environ 4000 euros à 10000 selon le type d’habitat! …pour ne rien manger ! Ce genre d’expérience reste un luxe que peu de femmes peuvent se permettre

  • david dit :

    Merci pour ce partage d’expérience.
    Le jeûne est vraiment bon pour le corps et l’esprit. Adapté au fonctionnement de notre organisme depuis des millénaires, il nettoie le corps, rend l’esprit plus vif et, en plus, il fait rajeunir, comme j’en parle dans cette vidéo ! http://www.jecontrolemoncerveau.com/mincir-rapidement-en-mangeant-comme-lhomme-de-cromagnon/

  • Jessica Elan dit :

    Merci Florence, ce témoignage est chouette et très stimulant… Aurai-je un jour ce courage d’affronter le vide …? La société fait de nous des êtres de manque , nous sommes toujours en quête de « remplissage » dans nos vie ultra remplies qui débordent déjà, pourtant notre complétude ne commence-t-elle pas lorsque nous nous connectons enfin à nous mêmes ?

  • MILLE BRUNO dit :

    Merci pour ce suivi quotidien de ce jeûne. Vous lire m’apporte beaucoup de renseignements , ça me donne envie de me lancer dans cette aventure.

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