Une soirée avec Christophe André

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Une fois tous les deux mois, Jean-Louis et Perla Servan-Schreiber réunissent leurs amis autour d’un auteur ou penseur, au cours de leurs soirées QUESTIONNAIRE. C’est un événement tout à fait privé auquel,  vous vous doutez-bien, j’ai la chance d’être invitée. Cette fois-ci, nous avons eu la visite de Christophe André. Chance ! La foule était plus dense que d’habitude, car Christophe a un charme particulier qui nous incite, lorsqu’il parle, à oublier tout ce qui nous préoccupe.

Nous nous asseyons autour de lui, en cercle.

Perla commence par le présenter, non en nous décrivant sa carrière, que nous connaissons tous, mais en soulignant ce qui les relie. Sa relation étroite avec Psychologie Magazine à ses débuts, lorsque nous y travaillions tous encore. Sa disponibilité, sa gentillesse et son aveu sans tabou d’avoir été atteint, lui aussi, d’un cancer. L’humanité ordinaire de Christophe lui donne des galons extraordinaires. 

Jean-Louis dégaine la première question : comment allie-t-on Rugby et psychiatrie ? « On porte tous en nous des domaines qui n’ont rien à voir. » Puis l’homme tapi derrière le sage se redresse. « En fait, je ne sais pas répondre à cette question. Mais c’est étrange ce besoin que j’ai et que nous avons de faire comme si. Je vous l’avoue, ça m’arrive souvent d’essayer de faire ce qu’on attend de moi avant de réaliser que c’est inutile d’essayer. » Touchée ! Combien de fois dans nos vies le faisons nous aussi ?

On nous présente son dernier livre :  

 

Quels ont été pour lui les bénéfices de l’avoir écrit ? Il sourit : le livre était un prétexte pour se retrouver entre copains, marcher dans la neige et manger de la fondue. Notre éditeur nous a offert ce privilège. 8 jours à trois, pour parler de philosophie, de psychologie et de spiritualité. En allant me coucher, je repensais à ce qu’avait dit Matthieu (Ricard) ou Alexandre (Jollien), et la conversation reprenait de plus belle le lendemain matin. Chacun était dans son rôle, les citations du philosophe, et les considérations du moine bouddhiste qui planent bien plus haut qu’un psy. On imagine facilement la jubilation de ces 3 là d’être ensemble.

Jean-Louis demande ensuite pourquoi les Français ont le mal de vivre.

L’insatisfaction est un progrès, répond Christophe.  Nous avons le luxe de pouvoir nous préoccuper du bien-être. Le médecin observe que le discours de ses patients a changé. Jadis, la dépression était un embarras. Ne pas pouvoir faire sa part dans sa famille, son couple ou la société était une source de culpabilité. Aujourd’hui, les malades se considèrent victimes. C’est l’environnement qui les a mal traités et la société qui ne leur a pas donné de place. Nous avons basculé entre la mission de tenir son rang et celle d’être adapté. Devoir être entreprenant en permanence crée de l’insécurité. Les maux sont les mêmes, mais l’angle de lecture s’est modifié.

Il souligne une augmentation de la sensation de solitude. Eloignement, ponts coupés, perte des quartiers. Il regrette le temps où les anciens grondaient des enfants du coin qui n’étaient pas les leurs, pour les remettre dans le droit chemin. C’était un témoignage d’attention et de ce qui compte. Il remarque qu’on ne peut plus physiquement toucher des enfants sans équivoque, non plus. Sans dire que tout fout le camp, l’adaptation au monde qui change tant est un défi de plus. 

Et donc nous en venons aux écrans.

Son verdict est sans appel : fléau. Il les compare à la cigarette. Il a fallu 50 ans aux pouvoirs publics pour prendre position sur ses dangers. Comme tout s’est accéléré, dit-il, espérons que ça ira plus vite que cela. Mais sans prévention, nous courons à la catastrophe. Le temps d’écran grignote le reste : famille, sommeil, couple. Les fondamentaux de notre bonheur sont empiétés, dans l’espoir d’une plus forte excitabilité. Nous perdons la concentration, l’attention, la création. Nous sommes désormais accrocs au changement.

Il parle souvent de la méditation comme remède : à la mélancolie, pour une reconnexion au corps, pour habiter les temps morts, en prenant le temps de revenir vers soi. 

Il ajoute aussi ceci, non tout ce qui ne nous tue pas ne nous rend pas nécessairement plus fort, mais peut aussi nous écloper. Et oui, restons réalistes.

Mais la résilience, heureusement, existe, et il s’en réjouit. 

Nous aussi. Heureux d’être venus, régalés et abreuvés. Joyeux surtout d’appartenir à un monde ou au cours d’une soirée on peut juste échanger des idées. Si ça n’est pas le bonheur, ça n’en était pas loin.

Et la question du soir était : si on vous proposait de vivre 300 ans de plus comme vous êtes là tout de suite, accepteriez-vous le marché ?

 

P.S. Le buste derrière Christophe est le visage de ma magnifique grand-mère, Denise Brezard.

 

 

 

 

Devenez animateur.trice d’ateliers de psychologie positive
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2 commentaires sur “Une soirée avec Christophe André”

  • Luc dit :

    Intéressant, ça donne envie de lire le livre en tout cas.
    Des personnes inspirantes.

    Christophe André a malgré tout un regard réaliste et étonnant sur nos concitoyens.

    C’est d’ailleurs une question qui fait souvent débat dans les médias et sans réponses concrètes car notre pays a tout pour que cela ne soit pas ainsi.
    Merci pour cet article

  • Happy Amina dit :

    Quel régal de lire cet article 🙂

    J’ai eu le privilège d’assister à la conférence au Palais des Congrès sur le thème de la LIBERTÉ en présence d’Alexandre Jollien, Mathieu Ricard et Christophe André.

    Comme vous le dites si bien, Florence, « Christophe a un charme particulier qui nous incite, lorsqu’il parle, à oublier tout ce qui nous préoccupe. »

    Gratitude ^^

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